Entretien professionnel obligatoire : gestion de carrière et sanctions

Parmi les obligations imposées à toutes les entreprises et ce, quel que soit son effectif, il y a celle d’organiser des entretiens professionnels périodiques. Ces derniers doivent notamment porter sur les questions des « perspectives d’évolution professionnelle » du salarié au sein de l’entreprise.

Sur cette question, l’année 2020 est une année charnière. En effet, sous réserve qu’un salarié réuni les conditions requises pour la tenue de ces entretiens, l’année 2020 devait être consacrée à la réalisation d’un nouvel entretien dont l’objet est de faire un « état récapitulatif du parcours professionnel ».

La crise sanitaire a conduit à un aménagement de cette obligation et il semble utile de faire un  rappel de la question des entretiens obligatoires et des aménagements qui lui ont été apportés en raison de la crise sanitaire du Covid-19.

Les entretiens professionnels obligatoires

La loi du 5 mars 2014 « relative à la formation professionnelle » fixe l’obligation d’organiser des entretiens professionnels périodiques ayant pour objectif l’examen des « perspectives d’évolution des salariés ». Cette loi a été aménagée par la loi du 5 septembre 2018 dite « Avenir professionnel » et par celle du 22 mai 2019 « relative à la croissance et la transformation des entreprises ».

Obligatoires depuis 2014, ces entretiens ont des objectifs spécifiques et ne peuvent se confondre avec tout autre entretien portant, notamment, sur l’évaluation du salarié qui a pour seul but d’évaluer les compétences de ce dernier. Comme l’indique clairement le Code du travail, l’entretien professionnel « ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié » (Article L 6315-1 du Code du travail).

En ce qui concerne les entretiens professionnels, ils sont au nombre de deux et ont une périodicité et un objet distinct.

Tout d’abord et comme l’indique l’article L 6315-1 du Code du travail, « À l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur  consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi ».

À l’occasion de cet entretien, sont abordés, notamment :

  • les questions relatives à la validation des acquis de l'expérience,
  • l'activation par le salarié de son compte personnel de formation,
  • les abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer.

Cet entretien est composé de plusieurs objectifs.

Tout d’abord, en donnant au salarié une connaissance de ses droits, le législateur a assuré le déploiement de dispositifs encore trop méconnus des principaux intéressés.

Ensuite, la tenue d’un tel entretien est l'occasion pour l’employeur et le salarié d'apprécier les besoins de formation. Il faut sur cette question, rappeler qu’il repose sur les chefs d’entreprises une obligation générale d'adapter le salarié à son poste de travail et de maintenir son employabilité.

Ainsi, il doit être systématiquement organisé lors d’une reprise d’activité par un salarié suite à une absence de longue durée :

  • congé de maternité,
  • congé parental d'éducation,
  • congé de proche aidant,
  • congé d'adoption,
  • congé sabbatique,
  • un mandat syndical,

Cette obligation s’impose en toute circonstance et cela même si le salarié a déjà bénéficié d'un entretien professionnel moins de 2 ans avant la reprise de son poste de travail.

Le même article L 6315-1 du Code du travail met en œuvre depuis 2014 une obligation d’organiser, tous les six ans, un entretien professionnel ayant pour objet, cette fois-ci, de faire « un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié ».

Cet état des lieux permet de vérifier que le salarié a bien bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels biannuels et d'apprécier s'il a, par ailleurs :

  • suivi au moins une action de formation,
  • acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience,
  • bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

Cette périodicité de 6 ans s’apprécie en fonction de la date d’entrée du salarié au service de l’entreprise et en fonction de son « ancienneté ».

La notion d'ancienneté dans l'entreprise permet d'inclure dans le décompte des 6 années certaines périodes d'absence du salarié (congé maternité, absences pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle…).

Conditions de déroulement et compte rendu d’entretien

L’organisation de l’entretien professionnel incombe à l’employeur.

C’est lui qui fixe la date, l’heure et convoque le salarié par tout moyen conférant date certaine.

Il n’y a ni formalisme ni délai minimal à respecter si ce n’est un délai raisonnable entre la date de convocation et la date de la tenue de l’entretien.

Ainsi, la tenue d’un entretien doit donner lieu à la rédaction d’un écrit dont les formes sont libres.

Il devra toutefois être suffisamment précis et comporter différentes sections telles que :

  • le parcours professionnel du salarié,
  • les formations suivies,
  • les formations proposées par l’entreprise, notamment dans le cadre du plan de développement des compétences, ou par le biais d’un financement complémentaire du compte personnel de formation,
  • les souhaits d’évolutions salariales ou professionnelles,
  • les demandes de formation en lien avec ses éventuels projets professionnels.

Peut se poser la question de la présence, ou non du salarié à cet entretien. Comme il s’agit d’un droit pour le salarié, ce dernier peut ne pas s’y présenter. L’entreprise doit alors apporter la preuve de ce refus afin de pouvoir justifier, à l’occasion d’un éventuel contrôle, du respect de ses obligations.

À l’issu de chaque entretien, l’employeur a l’obligation de remettre un écrit. Aucune condition n’est fixée sur les conditions matérielles d’organisation de ces entretiens. Il peut s'agir, comme il a été indiqué lors des débats devant l'Assemblée nationale, d’un simple compte rendu qui atteste que l'entretien s'est bien tenu.

Il convient d’être vigilant sur la forme et de se ménager une preuve comme quoi cette obligation est respectée. À défaut, le salarié serait en position de justifier d’un préjudice et de remettre en cause, par exemple, toute sanction ou toute rupture de son contrat de travail qui serait en lien avec une inadaptation ou une insuffisance à occuper son poste de travail.

Contrôles et sanctions

Afin de s’assurer du respect de la législation en vigueur, un agent de contrôle de l’inspection du travail ou un inspecteur de la formation professionnelle peut opérer un contrôle sur place ou sur pièces.

L’employeur est tenu de mettre à leur disposition tous les renseignements nécessaires à l’accomplissement de leur mission, parmi lesquels figureront bien évidemment les différents comptes rendus des entretiens professionnels ou tout autre document susceptible de justifier de leur tenue (convocation, courriers et courriels…).

Concernant la période contrôlée, il résulte de l’article L 6323-13 alinéa 5 du Code du travail et de l’article L 176 alinéa 1 du Livre des procédures fiscales que le contrôle administratif peut être exercé pendant une période de trois ans suivant l’année au cours de laquelle l’abondement est exigible.

Lors du contrôle, il sera examiné :

  • si le salarié a bénéficié des entretiens biennaux,
  • s’il a bénéficié d'au moins 2 des 3 mesures mentionnées à l’article L 6315-1 du Code du travail (formations, éléments de certification, progression salariale) au cours des 6 dernières années.

Sur ces mesures qui doivent être réunies, il faut noter que, depuis la loi de 2018, la notion de « formations » vise celles qui ne sont pas rendues obligatoires pour l’exercice d’une activité ou d’une fonction. De même, la question de la « progression salariale » soulève des interrogations. Par référence au texte de l'ANI du 14 décembre 2013 (article premier), il semblerait que la progression salariale puisse s’entendre à la fois des augmentations individuelles et collectives de rémunération.

Une sanction spécifique est prévue pour les entreprises d’au moins 11 salariés n’ayant pas respecté leurs obligations. Elle se présente sous la forme d’un abondement du compte personnel de formation des salariés concernés.

Cet abondement, par application de l’article L 6323-13 du Code du travail s’élève, pour l’année 2020, à un montant de 3 000 euros, dont le salarié est informé. L’entreprise peut, sans majoration à la suite du contrôle, verser volontairement cet abondement.

L’entreprise doit spontanément verser ce montant à la Caisse des dépôts et consignations, en précisant la liste des salariés concernés ainsi que les données permettant leur identification et le montant attribué à chacun d'eux.

Faute de se conformer à une mise en demeure, l’entreprise sera alors susceptible de verser au Trésor public un montant équivalent à l'insuffisance constatée majorée de 100 %.

Le salarié peut également engager une action à l’encontre de son employeur que ce soit au titre du non-respect de l’organisation des entretiens professionnels ou, plus généralement, d’un manquement au titre de l’obligation générale de formation. L’action portant sur l'exécution du contrat se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En pratique, on retiendra qu’il convient de conserver l’ensemble des documents justifiant l’organisation des entretiens professionnels ainsi que les formations suivies ou les progressions salariales pendant une période minimale de 4 ans.

L’obligation d’organiser les entretiens professionnels

L’année 2020 est une année charnière dans la mesure où la loi fixant l’obligation d’organiser un entretien professionnel tous les six ans concerne aujourd’hui tous les salariés déjà en poste dans les entreprises en mars 2014.

Pour faire simple, pour les salariés embauchés dans une entreprise avant le 5 mars 2014, l'entreprise devait avoir effectué cet entretien bilan avant le 7 mars 2020, soit 6 ans après l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014. Pour les salariés recrutés au contraire au cours de l’année 2014 mais après le 7 mars, le premier entretien bilan devait avoir lieu en principe en 2020 (sauf en cas de suspension de leur contrat de travail n’ouvrant pas droit à l’acquisition de l’ancienneté) et devait se tenir avant la date anniversaire de leur entrée dans l’entreprise. Enfin, pour les salariés recrutés en 2015, le premier entretien bilan doit avoir lieu en 2021, et ainsi de suite pour les années suivantes d’embauche.

Aussi, en raison de l’épidémie de Covid-19, différentes règles relatives à cet entretien « d'état des lieux » ont été assouplies par l'ordonnance du 1er avril 2020 portant sur les « mesures d’urgence en matière de formation professionnelle ».

Le ministère du Travail a mis à jour son document « questions-réponses » sur l’entretien professionnel pour expliquer les adaptations issues de cette ordonnance.

 

Tout d’abord, l’entretien « d'état des lieux » qui devait intervenir au cours du mois de janvier 2020 ou au cours de l’année 2020 (en fonction de la date d’anniversaire de leur engagement respectifs) peut être reporté, à l’initiative de l’employeur, jusqu’au 31 décembre 2020.

Ensuite, dans les entreprises d'au moins 50 salariés, l'abondement du CPF du salarié à hauteur de 3000 euros par l'employeur à titre de « sanction » pour non respect de ses obligations en matière d'entretien professionnel ne s'appliquera pas jusqu'au 31 décembre 2020. Le ministère précise que « les abondements […] ne seront dus qu’à partir du 1er janvier 2021, dans les cas où les obligations de l’employeur n’auraient pas été respectées ».

Enfin, concernant les conditions de tenue de l’entretien dont le Code du travail ne prévoit pas de modalité spécifique d'organisation, le ministère du Travail signale que « rien ne s'oppose à ce que l'entretien professionnel soit réalisé sous forme de visioconférence à condition qu'il respecte bien les conditions énoncées à l'article L 6315-1 du Code du travail et en particulier qu'il donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié ».

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