Officines : Marché des transactions, une baisse des prix inexorable

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VALORISATION DES OFFICINES. Le prix de cession des officines baisse lentement, dans un marché marqué, surtout, par un fort ralentissement des transactions. Dans ces conditions, et compte tenu du nouveau modèle économique qui se met en place dans la profession, combien vaudront les pharmacies dans dix ans ? Et comment sera calculée leur valeur ? Éléments de réponse avec Christian Nouvel et Philippe Becker, de FIDUCIAL.

LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN : La dernière étude statistique réalisée par la société Interfimo montre une baisse du prix de vente des officines, en 2013, plus faible que celle à laquelle on pouvait peut-être s’attendre. Est-ce une surprise pour vous ?

PHILIPPE BECKER : Tant mieux si cette moyenne des prix de vente n’est pas désastreuse. Mais nous pensons qu’il faut analyser les chiffres en prenant en compte un autre facteur important, qui est la forte chute des transactions sur l’année 2013. Notre analyse de la situation nous fait dire que de nombreux vendeurs n’ont pas trouvé d’acquéreur en raison d’une exigence de prix trop élevée. En bourse, il faut en effet apprécier la cote d’un titre ou d’un indice en tenant compte aussi des volumes échangés, et c’est un peu la même chose pour le marché des transactions. À l’évidence, ce marché repartira lorsque les prix de vente s’ajusteront. Les prix révélés par cette étude d’Interfimo, bien que non contestables, ne reflètent peut-être pas la réalité du marché.

Selon vous, le plancher bas des prix n’est donc pas atteint ?

CHRISTIAN NOUVEL : Notre sentiment est que le marché s’équilibrera vraiment lorsque la valorisation des fonds par rapport au chiffre d’affaires hors taxes s’approchera de six fois l’excédent brut d’exploitation. L’EBE rapporté au chiffre d’affaires hors taxes se situera probablement aux environs de 12 % en 2014. Nous allons donc à terme vers une valeur moyenne des officines comprise entre 72 % et 75 % du chiffre d’affaires hors taxes. C’est un niveau de valorisation qui prend en compte à la fois les perspectives incertaines de l’activité officinale à court et moyen terme, mais qui tient compte aussi des protections juridiques actuelles liées au quorum et au monopole d’exercice. De notre point de vue, tout cela va se faire assez progressivement sans qu’il ait un écroulement des prix.

PHILIPPE BECKER : Il faut toutefois préciser que certaines officines peu recherchées auront des prix beaucoup plus bas et que, à l’inverse, des officines bien gérées avec une solide rentabilité seront surcotées.

C’est donc la fin de la référence au chiffre d’affaires pour la valorisation des officines ?

PHILIPPE BECKER : À dire vrai, cette référence n’avait plus beaucoup de sens tant les contributions à la marge et au résultat peuvent varier selon la composition du chiffre d’affaires. Le fait que les chiffres d’affaires stagnent ou baissent incite fortement les pharmaciens à chercher un autre repère pour la fixation du prix de leur pharmacie. C’est bien, car on va ainsi vers un prix économique qui intègre mieux les nouveaux paramètres de l’activité : honoraires de dispensation, avantages génériques, etc. Avec ce prix économique, il sera plus facile de rembourser ses emprunts et de vivre correctement. C’est plutôt une bonne nouvelle !

Mais dans cette affaire, il y a des perdants, à savoir les pharmaciens qui ont acheté leur officine trop cher. Sont-ils nombreux d’après vous ?

CHRISTIAN NOUVEL : Il y a surtout des pharmaciens qui sont ou seront frustrés de ne pas avoir vendu plus tôt ou qui pensaient que leur fonds continuerait à se valoriser à plus de 100 %. Dans la majorité des cas, il s’agit davantage d’un appauvrissement psychologique que réel, car si l’officine a été acquise il y a plus de dix ans, il y aura heureusement une plus-value à la sortie. Elle sera simplement moins forte qu’espérée. En fait, les pharmaciens qui sont réellement touchés aujourd’hui sont ceux qui ont des petites pharmacies invendables dans des zones désertifiées, car ils peuvent tout perdre ! C’est à eux qu’il faut penser et peut-être envisager des solutions pour que, après une vie de travail au service de la population, ils aient un retour. Il y a un grand silence autour de cette situation actuellement, et pourtant, le nombre d’officines qui ferment sans repreneur est très significatif.

La restructuration du paysage officinal est donc déjà amorcée. Quels en seront les contours dans les années qui viennent ?

PHILIPPE BECKER : Christian Nouvel l’a souligné à juste titre, nous allons vers une décroissance du nombre de pharmacies. Le rythme des fermetures sera dicté par les décisions positives ou négatives que prendront les pouvoirs publics en matière de politique sur le médicament. Par exemple, une baisse drastique des avantages génériques enverrait au tapis des centaines d’officines. Mais si les choses se déroulent normalement, notre estimation nous fait dire qu’il y aura, à un horizon de dix ans, 20 000 officines en France qui réaliseront en moyenne (en euros constants) deux millions d’euros de chiffre d’affaires (ventes et honoraires) pour une population moyenne de 3 500 habitants. Elles se vendront entre cinq et six fois l’EBE. La seule grosse variable d’incertitude sur le prix est l’éventuelle ouverture du capital à des non-pharmaciens car, chacun le comprendra, la valorisation des officines pourrait être affectée par l’appétit des investisseurs !

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