Le verre à moitié plein

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Sous la mandature du Président Hollande, la très grande majorité des patrons de TPE avait le blues. Depuis l’élection du Président Macron, le moral d’une partie d’entre eux s’est amélioré. Les opinions sont aujourd’hui moins unanimes, plus partagées, mais aussi plus positives.

Réforme du travail bien accueillie

Les cinq ordonnances réformant le droit du travail sont appréciées des patrons de TPE, bien qu’elles ne leur soient qu’imparfaitement connues. Ils estiment que cette réforme va dans le bon sens. Néanmoins, ils sont partagés sur deux points. Une moitié considère que la réforme est bien équilibrée en termes de bénéfices, tantôt au profit des salariés, tantôt à celui des patrons, quand l’autre moitié la juge déséquilibrée. De même, une moitié pense qu’elle renforcera le dialogue social dans l’entreprise, l’autre non.

Alors, quel sera l’impact réel de ces cinq ordonnances sur l’emploi ? A priori, il semblerait positif, car plus d’un patron de TPE sur deux estime que la réforme incitera à embaucher, d’ailleurs plus les grandes que les petites entreprises. 48 % déclarent qu’ils embaucheront plus facilement si leur carnet de commandes le leur permet, sans que l’on sache si ce sont les ordonnances ou l’évolution du carnet de commandes qui prédomine dans la réponse.

Quelques mesures ressortent en faveur de la création d’emplois, comme la possibilité dans les TPE sans représentant élu du personnel de négocier directement avec les salariés sur l’organisation, le temps de travail et la rémunération (un sujet pourtant délicat dans la pratique).

Ils jugent aussi intéressants l’extension du CDI de chantier à l’ensemble des secteurs d’activité et l’adaptation de la réglementation encadrant le CDD aux spécificités de chaque branche (deux thèmes qui nécessitent que les branches s’en emparent). Quant aux mesures relatives au licenciement (la non remise en cause du fond pour vice de forme et le plafonnement des indemnités prud’homales), elles apparaissent moins déterminantes.

RSI ou l’effet communication

La communication, ça paie, car les mesures gouvernementales relatives au RSI semblent bien acceptées. Le RSI va fusionner avec le régime général de sécurité sociale, avec toutefois une gouvernance propre aux indépendants. Une forte majorité en attend une amélioration de la collecte des cotisations et surtout de la protection sociale (ce qui ne peut se faire sans une augmentation des cotisations).

Ils sont également intéressés par la possibilité de demander des délais de paiement et par la mise en place d’un système d’ajustement des acomptes de cotisations par mois ou par trimestre. En revanche, le paiement des cotisations par carte bancaire ne changerait rien pour plus des deux tiers des travailleurs non salariés.

ISF, une réforme incomprise

Un petit tiers des patrons de TPE estime que la réforme de l’ISF est pertinente. Les autres auraient préféré soit son maintien, soit sa disparition totale ; en fait deux positions radicalement opposées.

En revanche, les chefs d’entreprise saluent massivement, plus sur le principe que sur les délais, les revalorisations de l’allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse en 2018. Ils sont aussi globalement satisfaits de la loi sur la moralisation de la vie publique (65 %). Ils sont plus divisés sur la levée de l’état d’urgence à l’automne, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers et la baisse des allocations logement. À l’inverse, la suppression des cotisations chômage et maladie payées par les salariés compensée par la hausse de la CSG déplaît à une forte majorité de dirigeants de TPE.

Vers la fin du gasoil ?

59 % des TPE utilisent un véhicule pour les besoins de leur activité, 10 % deux véhicules et 5 % plus de deux. Trois entreprises sur quatre sont équipées au moins d’une voiture ou d’une moto, 41 % au moins d’une fourgonnette ou d’un véhicule utilitaire, 14 % au moins d’un camion. 10 % ont recours à d’autres types de véhicules.

Ces moyens de locomotion sont acquis par prêt bancaire (38 %), par leasing (26 %) ou par autofinancement (27 %). Presque la moitié de ces véhicules parcourent au moins 15 000 kilomètres par an. Le gasoil est donc le carburant privilégié par les chefs d’entreprise. Par rapport à l’an dernier, la consommation d’énergie ou de carburant a augmenté et diminué pour un nombre d’entreprises sensiblement égal (environ 20 % dans chaque situation).

Le gouvernement Philippe a annoncé un alignement de la fiscalité du gasoil sur l’essence. 63 % des patrons de TPE anticipent une augmentation de leur facture énergétique. Un peu plus d’un dirigeant sur deux pourrait modifier ses critères d’achat lors d’une prochaine acquisition d’un véhicule pour son entreprise. Cependant, cette mesure n’inciterait qu’un tiers des propriétaires d’un véhicule au gasoil à accélérer un investissement à court ou moyen terme.

D’auto-entrepreneur à micro-entrepreneur

L’auto-entrepreneur est mort, vive le micro-entrepreneur. En doublant les seuils, le président Macron semble avoir intéressé 41 % des entreprises relevant des BIC (bénéfices industriels et commerciaux) et 26 % de celles relevant des BNC (bénéfices non commerciaux) d’opter pour une imposition sur la base d’un résultat forfaitaire sans avoir à tenir de comptabilité et pour le calcul des cotisations sociales en fonction du chiffre d’affaires réalisé.

Si cette option peut s’avérer attirante de prime abord, elle conduit souvent à payer plus d’impôts et de cotisations sociales. Elle empêche également d’avoir une bonne vision de l’administration et de la gestion de l’entreprise. Enfin, elle jouit d’une mauvaise image auprès des partenaires financiers et commerciaux. Ce n’est peut-être pas un service rendu aux professionnels qui retiendront ce statut.

En octobre, le président de la République a annoncé trois nouvelles réformes sociales pour 2019 : l’apprentissage, la formation professionnelle et l’assurance chômage. C’est d’ailleurs l’ordre de priorité que les chefs d’entreprise accordent à ces sujets pour lutter avec efficacité contre le fléau du chômage. Néanmoins, ils ne s’attendent pas à une mise en oeuvre aisée par le nouvel exécutif. Ils doivent probablement craindre un enlisement, car ce n’est pas la première fois que ces thèmes reviennent sur le tapis.

Concernant l’apprentissage, les patrons de TPE plébiscitent la généralisation de l’alternance dans les lycées professionnels, la « fusion » du contrat d’apprentissage et du contrat de professionnalisation (pour ne plus avoir qu’un seul contrat sans borne d’âge) et la création d’une aide unique en fonction de la taille de l’entreprise et du niveau de qualification de l’apprenti. Ils veulent également renforcer le rôle des branches professionnelles et des entreprises dans l’élaboration des enseignements.

Concernant la formation professionnelle, ils approuvent largement (85 %) l’investissement dans les formations à destination des populations les plus éloignées dans l’emploi et la labellisation des organismes de formation, en les obligeant notamment à rendre publics leurs résultats

Réformer l’assurance chômage

Sept à neuf chefs d’entreprise sur dix militent pour un durcissement des conditions d’octroi de l’assurance chômage. Ils souhaitent un renforcement du contrôle des chômeurs afin de s’assurer qu’ils recherchent activement un emploi. Ils réclament aussi une plus forte dégressivité de l’assurance-chômage dans le temps. Ils demandent aussi la suppression de l’assurance-chômage en cas de refus de deux offres « raisonnables » en termes de qualification, de secteur d’activité et de périmètre.

D’un autre côté, les patrons de TPE apprécieraient une extension du bénéfice de l’assurance-chômage aux travailleurs indépendants (ce qui aurait nécessairement un coût, mais ce qui pourrait être une mesure efficace pour dynamiser la prise de risque). Une majorité est également ouverte à élargir le bénéfice de cette allocation aux salariés démissionnaires à raison d’une fois tous les
5 ans. Enfin, six sur dix approuveraient le dessaisissement des partenaires sociaux dans la gestion de l’assurance chômage au profit de l’Etat.