Pharmacies : quels défis et leviers pour maintenir la rentabilité ?

Les pharmacies françaises évoluent dans un contexte économique en pleine mutation. Après les bouleversements causés par la crise sanitaire, les officines doivent aujourd’hui composer avec des marges sous pression, une hausse des charges et des mutations profondes du secteur.


Comment s’adaptent-elles à ces défis ? Quelles stratégies permettent de préserver la rentabilité et de répondre aux nouvelles attentes des patients ? Cette analyse met en lumière les tendances actuelles et les leviers d’optimisation à disposition des pharmaciens.

Chiffres clés du secteur

L’année 2023 a été marquée par plusieurs évolutions économiques significatives pour les pharmacies en France. Voici quelques indicateurs clés :

  • +3,9 % : progression du chiffre d’affaires moyen des pharmacies.
  • -5 % : baisse de la marge brute en euros.
  • +12 % : augmentation des charges de personnel.
  • -15 % : recul de la trésorerie moyenne.
  • 29 % : marge brute moyenne des pharmacies en pourcentage du chiffre d’affaires HT.
  • 3 674 K€ : chiffre d'affaires moyen des pharmacies en centre commercial.
  • 2 226 K€ : chiffre d'affaires moyen des pharmacies urbaines.
  • 1 883 K€ : chiffre d'affaires moyen des pharmacies rurales.
  • 5,1 : effectif moyen par officine.
  • 46 € : panier moyen en pharmacie rurale contre 44,6 € en milieu urbain.

Ces chiffres illustrent à la fois la croissance des revenus et l’impact des coûts croissants sur la rentabilité des officines.

Une rentabilité sous pression : l'impact des charges et de l'inflation

Malgré une légère progression du chiffre d’affaires, les pharmacies voient leur rentabilité diminuer. La principale cause réside dans l’augmentation des charges d’exploitation, en particulier les coûts liés au personnel. En 2023, les salaires ont connu une hausse de plus de 12 %, reflétant à la fois l’inflation et la difficulté de recrutement dans le secteur.

Outre la masse salariale, d’autres charges viennent grever les bénéfices des officines. L’augmentation des coûts immobiliers (loyers et charges locatives), l’inflation des produits et services annexes ainsi que la hausse des coûts énergétiques compliquent encore davantage la situation financière des pharmacies.

Par ailleurs, la fin des prestations exceptionnelles liées à la gestion de la crise sanitaire a impacté la rentabilité des officines. Beaucoup avaient bénéficié d’une rémunération supplémentaire pour des services liés au COVID-19 (tests, vaccination, délivrance de matériel médical), revenus qui ne sont désormais plus garantis.

La trésorerie des officines en recul

Autre signal d’alerte pour les pharmacies : la trésorerie moyenne des officines a chuté de 15 % en 2023. Cette tendance s’explique par l’augmentation des charges et par une gestion parfois complexe des stocks.

Les ruptures de médicaments, de plus en plus fréquentes, obligent les officinaux à adapter en permanence leur approvisionnement, rendant plus difficile l’optimisation de la rotation des produits. Une mauvaise gestion des stocks peut engendrer des pertes financières importantes, notamment sur les produits à forte valeur ajoutée.

Des disparités économiques selon la localisation

La situation financière des pharmacies varie considérablement selon leur implantation géographique.

  • Les pharmacies en centre commercial bénéficient d’un chiffre d’affaires plus élevé (3,67 M€ en moyenne), en raison d’une fréquentation accrue et d’un plus large éventail de produits proposés. Cependant, ces officines doivent faire face à des loyers plus élevés et à une concurrence accrue.
  • Les officines urbaines, bien que générant un chiffre d’affaires plus modeste (2,23 M€ en moyenne), affichent souvent une meilleure maîtrise de leurs coûts, notamment en matière de personnel et de gestion des stocks.
  • Les pharmacies rurales doivent composer avec une clientèle plus restreinte et un volume d’ordonnances plus important, réduisant leurs marges sur les ventes de produits en libre accès. Toutefois, leur panier moyen est légèrement supérieur à celui des pharmacies urbaines (46 € contre 44,6 €).

Un des défis majeurs des pharmacies rurales reste la désertification médicale. Avec un accès réduit aux médecins généralistes et spécialistes, certaines officines voient leur activité diminuer, menaçant leur viabilité à long terme.

L’adaptation des modes d’exercice

Face à ces défis économiques, les pharmaciens ajustent leurs structures d’exploitation. Aujourd’hui, 65 % des officines sont exploitées sous une forme individuelle, via des sociétés comme la SELURL, l’EURL ou encore en nom propre. Toutefois, la tendance est à l’association entre pharmaciens, permettant une mutualisation des charges et une meilleure capacité d’investissement.

L’essor des Sociétés d’Exercice Libéral (SEL) traduit cette volonté d’adaptation aux contraintes économiques et fiscales. Ce mode d’exploitation permet une plus grande flexibilité en matière de gestion financière et une meilleure protection des intérêts des exploitants.

Les leviers pour améliorer la rentabilité des pharmacies

Dans un contexte où la rentabilité est sous pression, plusieurs stratégies permettent aux pharmaciens de préserver et d’optimiser leurs résultats.

Optimisation des charges d’exploitation

  • Réduction des coûts externes (renégociation des loyers, des contrats d’énergie et de maintenance).
  • Gestion rigoureuse des effectifs et des coûts de personnel.

Amélioration de la gestion des stocks

  • Optimisation de la rotation des médicaments pour éviter les ruptures et les pertes.
  • Utilisation d’outils numériques pour mieux anticiper les besoins et ajuster les commandes.

Investissement dans la digitalisation

  • Automatisation des tâches avec des solutions comme la robotisation du comptoir ou les étiquettes électroniques.
  • Utilisation d’outils de gestion intégrés pour un suivi en temps réel des indicateurs financiers et des ventes.

Diversification des services proposés

  • Développement des prestations complémentaires (vaccination, bilans de santé, accompagnement des patients chroniques).
  • Mise en place de nouveaux services à valeur ajoutée pour fidéliser la clientèle et accroître le panier moyen.

2024 : une année de transition

L’année 2024 marque un tournant pour les pharmacies avec la mise en place d’une nouvelle convention pharmaceutique. Les officines doivent s’adapter à des évolutions réglementaires qui impactent directement leur activité, notamment en matière de services et de rémunération.

La part des médicaments onéreux ne cesse d’augmenter, modifiant l’équilibre économique des officines et renforçant la nécessité d’une offre de services diversifiée. Pour rester compétitives, les pharmacies devront investir dans la formation de leurs équipes et l’intégration de nouvelles technologies afin de mieux répondre aux attentes des patients.

Conclusion

Loin d’être figé, le secteur pharmaceutique continue d’évoluer face aux défis économiques et réglementaires. La maîtrise des coûts, l’optimisation des stocks et la digitalisation apparaissent comme des leviers essentiels pour garantir la pérennité des officines.

En repensant leur organisation et en s’adaptant aux nouvelles attentes du marché, les pharmaciens ont l’opportunité de transformer ces contraintes en véritables opportunités de croissance et de fidélisation.