Trésorerie des pharmacies : les pièges à éviter

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Les tensions de trésorerie diminuent depuis plusieurs années, observent Philippe Becker et Christian Nouvel du cabinet d'expertise comptable FIDUCIAL. Selon eux, globalement, les défauts de paiements et les dépôts de bilan sont moins nombreux. Mais il faut rester vigilant et les experts-comptables détaillent les pièges à éviter pour ne pas mettre la clé sous la porte.

Le Quotidien du pharmacien.- Votre dernière étude économique parue en septembre concernant un échantillon de 600 pharmacies clientes de FIDUCIAL fait apparaître une amélioration relative de la trésorerie des pharmacies analysées. Pouvez-vous confirmer cette évolution ?

Philippe Becker.- Nous confirmons une tendance qui est marquée par une baisse du nombre des pharmacies ayant un découvert entre 2016 et 2017 : de 30,8 % on passe à 27,4 %. Pour les officines en découvert, le montant moyen passe de 18 970 euros à 16 863 euros. Ce chiffre montre bien que, globalement, les tensions de trésorerie diminuent depuis plusieurs années puisque, pour mémoire, en 2014, 36,48 % des officines étudiées étaient en délicatesse avec leur banquier avec un découvert moyen de 21 416 euros. C’est une bonne nouvelle car, en trois ans, près de 10 % des pharmacies sont sorties du rouge ; mais la situation reste très inquiétante pour 5 % d’entre elles !

Comment expliquez-vous cette amélioration ?

Christian Nouvel.- Il y a plusieurs raisons qui ont permis de consolider la trésorerie des pharmacies sur les trois dernières années. D'abord, une prise de conscience générale de la profession que rien ne serait plus comme avant. Pas seulement de la profession, puisque les partenaires des officinaux sont eux aussi devenus plus vigilants : finis les petits arrangements avec le banquier. Les découverts sont très encadrés désormais. Les grossistes répartiteurs ne font plus, eux non plus, la « jointure » des fins de mois difficiles. Il a donc fallu réfléchir autrement du fait de ces nouvelles contraintes. À cela s’ajoute une baisse importante des prix d’achat des fonds officinaux, ce qui a créé mécaniquement une charge de remboursement des emprunts plus faible dans un contexte de baisse des taux d’intérêt. Ajoutons que la rentabilité des officines, sans s’améliorer significativement, s’est maintenue sur les trois dernières années.

Note-t-on une baisse des incidents de paiements et des procédures collectives ?

Philippe Becker.- Globalement, les défauts de paiements sont moins nombreux ainsi que les dépôts de bilan. Même si nous ne sommes pas revenus aux niveaux du début des années 2000, nous pouvons dire que le gros de l’orage est passé ! Là aussi les pharmaciens ont dû apprendre à gérer des situations compliquées. Dans le passé, ils vivaient dans une sorte de bulle qui, ils le pensaient, les protégerait ad vitam aeternam ! En d’autres termes, ils n’étaient pas préparés, ni financièrement ni psychologiquement, à la crise qu’ils ont vécue. D’où les centaines de redressements judiciaires qui ont affecté une profession qui ignorait ce type de procédure. Aujourd’hui, les pharmaciens et leurs conseils anticipent mieux les difficultés et utilisent les moyens qui leur sont proposés par la loi comme la médiation ou la procédure de sauvegarde.

On entend dire par les banquiers en particulier que beaucoup de cessations de paiement sont liées au risque dirigeant. Comment doit-on comprendre cela ?

Christian Nouvel.- Le risque dirigeant c’est, pour faire simple, un risque créé par le comportement inadéquat du chef d’entreprise face à une difficulté. Ce peut être un manque de compétence en matière de gestion ou une attitude irraisonnée. Par exemple, je m'octroie une rémunération ou des prélèvements incohérents avec la rentabilité de l'officine, je surstocke car je ne sais pas que le niveau de stock a une influence directe sur le niveau de trésorerie, j’ai une rentabilité faible qui génère un découvert important et je refuse de voir la situation et ne mets pas en place un plan de départ de certains salariés ! Le risque dirigeant peut concerner tous les chefs d’entreprise, dont les pharmaciens. Et, parfois, on en voit l’illustration avec les « politiques »…

D’une manière générale, avez-vous le sentiment que dans ce type de contexte les officinaux sont de plus en plus à l’écoute de l’expert-comptable ?

Philippe Becker.- La réponse est oui, sans hésitation, car les pharmaciens ont pris conscience que les problèmes graves de trésorerie n’arrivent pas qu’aux autres. En ce sens, cette période qui n’incite pas toujours à l’optimisme a renforcé notre rôle dans ce domaine. Parallèlement, les nouveaux outils dont nous disposons depuis 10 ans nous permettent de « monitorer » la trésorerie au jour le jour et d’alerter nos clients lorsque quelque chose paraît anormal.

Le plan de trésorerie est-il la solution ?

Christian Nouvel.- C’est la solution si, et uniquement si, on tire des conclusions des données produites par le cabinet comptable. Aujourd’hui, la bonne gestion c’est de la rigueur et du bon sens. Comme il y a toujours une part d’irrationnel dans chaque être humain, le naturel revient au galop : par exemple, alors qu’il faudrait limiter les achats de produits de parapharmacie, on se laisse prendre au jeu parce que la remise accordée est importante. On oublie que la remise n’existe que parce que le produit est vendu. Le plan de trésorerie, lui, disait qu’il fallait réduire la voilure sur la parapharmacie pendant quelques mois… C’est le défi de la sagesse !

Source : Le Quotidien du Pharmacien n°3475

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