Réforme des cotisations sociales des indépendants : applicable dès 2025 mais effective en 2026.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a acté une réforme de la base de calcul des cotisations sociales des travailleurs non salariés. Un décret du 5 juillet 2024 est venu compléter le dispositif. Enfin, plus récemment, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a procédé à des ajustements du nouveau régime. Trois textes pour dessiner une évolution des prélèvements sociaux des indépendants entrée en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2025, mais dont les effets concrets interviendront en 2026, lors de la régularisation des acomptes provisionnels 2025.

Avertissement : les développements qui suivent ne concernent pas les indépendants passibles du micro-social. Leurs cotisations restent calculées selon des règles spécifiques.

1 - Le double objectif de la réforme

Le chantier de la réforme des prélèvements sociaux des indépendants avait été ouvert au printemps 2023, lors des discussions sur la réforme des retraites. Les pouvoirs publics avaient essentiellement deux objectifs :

  • Simplifier le calcul des prélèvements sociaux en mettant fin à la « double » base de calcul. En effet, les cotisations sociales proprement dites (maladie, maternité, vieillesse…) étaient calculées sur le revenu commercial imposable. En revanche, les contributions sociales (CSG et CRDS) étaient basées sur un revenu brut correspondant au revenu fiscal majoré des cotisations sociales déduites. Au final, un système compliqué nuisant à la lisibilité du régime.
     
  • Améliorer les droits des indépendants en matière de retraite. La base des contributions sociales (CSG et CRDS) était plus élevée que celle des autres prélèvements. Elle était notamment supérieure à celle de la cotisation vieillesse qui permet de calculer les droits en matière de retraite. L’application d’une base unique pour l’ensemble des prélèvements devait permettre d’augmenter les cotisations génératrices de droits lors du départ en retraite. Pour les pouvoirs publics, cette réforme devait rester financièrement neutre pour les professions indépendantes.

2 - Une base unique de calcul des cotisations mais des distinctions en fonction du régime fiscal de l'entreprise

2.1 - Une base unique pour l’ensemble des cotisations

Depuis le 1er janvier 2025, il ne subsiste plus qu’une seule base de calcul pour l’ensemble des prélèvements sociaux des indépendants. Elle s’applique aussi bien à la CSG et à la CRDS qu’à la cotisation maladie ou à la cotisation vieillesse. Dans cette base de calcul, les cotisations sociales sont elles-mêmes déduites mais plus pour leur montant réel. Désormais, ces dernières sont prises en compte sous la forme d’un abattement forfaitaire de 26 %. Les prélèvements sociaux seront donc calculés sur 74 % du revenu brut (revenu avant déduction des cotisations sociales). Comme souvent avec un changement de formule de calcul, il y aura des perdants et des gagnants (ceux dont les cotisations déductibles représentaient moins de 26 % du revenu).

2.2 - Des distinctions persistent en fonction du régime fiscal de l’entreprise

2.2.1. Pour les entreprises qui ne sont pas passibles de l’impôt sur les sociétés (IS) et restent assujetties à l’impôt sur le revenu (IR) :

  • Pour les entreprises individuelles soumises à l’impôt sur le revenu (IR) : la loi ne se réfère plus au « revenu imposable », mais retient une base de calcul égale aux produits diminués des charges. Cela ne devrait pas changer significativement les choses à ceci près que certaines charges pourront être exclues du calcul par décret.
     
  • Pour les sociétés soumises à l’impôt sur le revenu (ex : société en nom collectif ou EURL), la règle est la même, mais la base de calcul totale est déterminée au niveau de la société, puis partagée entre les associés en fonction des droits de chacun sur le résultat.

2.2.2. Pour les entreprises qui sont soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) :

  • Pour les entreprises individuelles qui ont opté pour l’impôt sur les sociétés : la base ne change pas. Elle reste composée des sommes perçues par le dirigeant en contrepartie de l’exercice de ses fonctions. Il faut y ajouter les « dividendes » qui lui sont attribués, mais seulement à hauteur de la fraction qui dépasse 10 % du résultat.
     
  • Pour les sociétés soumises à l’IS (SARL, SAS…), la règle est la même avec une différence : les « dividendes » qui sont ajoutés à la rémunération sont ceux qui dépassent 10 % du total formé par le capital social et les sommes inscrites en compte courant d’associé détenus par le travailleur non salarié et par son conjoint.
Régime
fiscal
Forme
juridique
Base de
calcul des
prélèvements
sociaux (1)
Impôt sur
le revenu (IR)
Entreprise
individuelle
Produits
imposables
– charges
déductibles
SociétéProduits
imposables
– charges
déductibles)
x droits
Régime
fiscal
Forme
juridique
Base de
calcul des
prélèvements
sociaux (1)
Impôt sur
les sociétés
(IS)
Entreprise
individuelle
Rémunération
+ « dividendes »
dépassant
10 % du résultat
SociétéRémunération
+ « dividendes »
dépassant
10 % du capital

(1) Dans tous les cas, les cotisations sociales sont déduites forfaitairement par application de l’abattement de 26 %.

3 - Des évolutions dans les taux des cotisations pour les commerçants

En complément de la réforme de la base de calcul des prélèvements sociaux, le décret du 5 juillet 2024 procède à une révision des barèmes applicables aux différentes cotisations.

Sans entrer dans le détail complexe des taux, on peut retenir que :

  • le taux de la cotisation maladie est augmenté de 2 points à 8,5 % pour les revenus inférieurs à 3 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS). Cette augmentation devrait néanmoins être atténuée par un renforcement des dispositifs de réduction dégressive de la cotisation ;
  • celui de la cotisation de retraite de base augmente légèrement (+ 0,12 points) ;
  • enfin, le taux de la cotisation de retraite complémentaire augmente de 1,1 point.

4 - Rythme d'application de la réforme

La réforme est entrée en vigueur le 1er janvier 2025. Elle a donc vocation à s’appliquer aux cotisations des professions indépendantes de l’année 2025. Mais, il faut se rappeler que le processus d’appel des cotisations est complexe et qu’il s’étale en réalité sur plus d’un an. Les cotisations sociales font l’objet d’acomptes tout au long de l’année 2025. Ces acomptes sont d’abord calculés sur les revenus 2023 (début de l’année), puis sur ceux de 2024 (deuxième partie de l’année).

Ce ne sera qu’en 2026, après le dépôt des déclarations (au cours des mois d’avril et de mai) que les acomptes seront définitivement régularisés avec le revenu 2025. Les textes initialement adoptés n’étaient pas suffisamment précis sur la date d’application des nouvelles règles. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a clarifié le sujet. La réforme, avec ses nouvelles assiettes et ses nouveaux taux, ne sera réellement appliquée qu’au moment de cette régularisation, à compter du printemps 2026, dans près d’un an. Reste à voir si d’ici là, le nouveau régime ne sera pas ajusté une nouvelle fois.