Trésorerie officinale : l'amélioration se confirme

Dans leur dernière étude, Philippe Becker et Christian Nouvel, du cabinet d'expertise comptable FIDUCIAL, enregistrent une croissance moyenne de la trésorerie officinale de 20 %. Les aides gouvernementales et les possibilités de décaler les remboursements d'emprunts ont globalement été favorables.

Le Quotidien du pharmacien.- Une large partie de votre récente étude sur l’économie de l’officine est consacrée à la situation de trésorerie des officines de votre panel. Pourquoi ce focus ?

Philippe Becker.- Nous avions, en 2020, fait une première approche sur la capacité de résistance des pharmacies françaises face aux effets sur elles de la crise sanitaire. Cette analyse avait révélé que la population étudiée pouvait résister à un crash-test « trésorerie ».

Nous étions en avril/mai 2020 en plein confinement dur. Nous avons souhaité vérifier que notre modèle d’analyse était correct face à la réalité de l’année dernière.

Les éléments recueillis sont plutôt rassurants ! Comment expliquez-vous une croissance moyenne de la trésorerie officinale de 20 % ?

Christian Nouvel.- Sans vouloir parler d’illusion d’optique, il faut lire nos graphiques en intégrant les aides gouvernementales et les facilités qui ont été données aux entreprises de décaler les remboursements de leurs emprunts et le paiement de leurs cotisations sociales personnelles. Sans oublier, pour les pharmacies réellement touchées par les mesures de confinement, les aides au chômage partiel.

Peut-on aussi considérer que les pharmaciens ont freiné leurs investissements et, plus généralement, réduit les frais d’exploitation en 2020 ?

Philippe Becker.- Nous ne constatons pas de baisse de l’investissement l’an dernier : à titre indicatif les pharmaciens ont investi, toutes opérations confondues, 19 400 € en moyenne contre 19 212 € en 2019. Il faut toutefois indiquer qu’une décision d’investissement est prise souvent un an avant, donc il faudra regarder en 2021 si la crise sanitaire a refroidi les ardeurs en ce domaine. Concernant les frais d’exploitation, les officinaux n’ont pas diminué ces postes car il a fallu s’équiper pour protéger les salariés et titulaires. Deux chiffres illustrent cela : le poids des frais fixes était de 5,42 % du CA HT en 2020 contre 5,58 % en 2019.

Christian Nouvel.- Ajoutons que la rentabilité brute est restée stable en 2020 puisque l’excédent brut d’exploitation a évolué de 12,27 % en 2019 à 12,22 % du CA HT en 2020.

Donc si, selon vos propos, l’amélioration de la trésorerie est liée mécaniquement aux aides orchestrées par le gouvernement, tout devrait revenir à la normale en 2021. Est-ce votre pronostic ?

Christian Nouvel.- Dans une certaine mesure, la réponse est oui : les pharmaciens vont devoir piocher dans leur trésorerie pour s’acquitter des différés de paiements. Certains profiteront de l’effet d’aubaine des prêts garantis par l’État pour rembourser sur 5 ans.

On entend que les procédures collectives (sauvegardes, redressements judiciaires et liquidations) sont en forte régression. Est-ce le cas pour les pharmacies puisque leur trésorerie a augmenté ?

Philippe Becker.- Indiscutablement ces aides ont remis sur pied des officines qui étaient en situation de fragilité financière. Nous notons qu’il y a beaucoup moins d’impayés grossistes depuis un an par exemple. Il y a eu un effet analgésique sur beaucoup d’entreprises françaises et cela a été vrai pour certaines pharmacies. Il faut avoir en tête que les vrais problèmes de fond restent pour ces officines et par conséquent il est plus que probable que les procédures collectives repartiront dans 6 mois à 18 mois : il s’agit plus d’un répit que d'une guérison.

Justement pour ces pharmaciens qui bénéficient d’une amélioration financière temporaire, n’est-ce pas le bon moment pour revoir leur banquier ?

Christian Nouvel.- Peut-être ! Mais plus sûrement, cette opportunité leur donne le temps de réfléchir pour trouver des solutions dans le calme. En général, la qualité des décisions est meilleure lorsqu’elles ne sont pas prises dans la précipitation. Donc pourquoi ne pas revoir son banquier et son grossiste ! En toutes hypothèses, ces pharmaciens devront les éclairer sur leurs intentions et leurs projets pour sortir de l’ornière. On revient là à la sempiternelle question de la stratégie.

C’est une hypothèse où vous pouvez jouer un rôle important !

Philippe Becker.- C’est exact car nous pouvons préparer les documents prévisionnels : plan d’affaires et plan de trésorerie qui seront les outils indispensables pour décider et convaincre les prêteurs de la faisabilité du projet de sortie de crise.

 

Propos recueillis par Marie Bonte - Le Quotidien du Pharmacien

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