Compte courant d’associé (CCA) : un outil puissant à manier avec précaution.

Le compte courant d’associé : bien maîtriser ce mode de financement flexible.

Vous êtes dirigeant de PME, associé majoritaire ou fondateur d’une société ?

Le compte courant d’associé (CCA) est un outil flexible et puissant pour piloter la trésorerie de votre entreprise. Voici comment l’utiliser efficacement.

Qu’est-ce qu’un compte courant d’associé ?

Le compte courant d’associé est un prêt consenti par un associé à l’entreprise dont il est actionnaire. Vu de l’entreprise, il s’agit d’une dette : ce n’est pas un apport en capital.

L’associé peut financer l’entreprise directement (par virement bancaire) mais le plus souvent, le compte courant d’associé est utilisé à l’occasion d’une dépense prise en charge par l’associé pour le nom de l'entreprise ou pour matérialiser une rémunération due par l'entreprise mais non versée (dans ce cas, le compte courant sert à consigner la dette de l’entreprise envers l’associé).

Voici un exemple.

Deux associés possèdent une entreprise qui a besoin d’acheter 50 000 € de matériel, sans disposer de cette somme.

Ils peuvent verser leur épargne personnelle sur le compte de l’entreprise afin de réaliser une avance en compte courant. La société dispose ainsi immédiatement des fonds et peut acquérir le matériel. Les associés pourront ensuite, lorsque l’activité de permettra, récupérer leur trésorerie sans fiscalité : il ne s’agira pas d’une rémunération mais d’un remboursement de prêt.

Plutôt que de verser les fonds à l’entreprise, les associés auraient aussi pu payer le matériel directement. Comptablement, la dépense aurait été inscrite comme payée par les associés (compte 455) plutôt que par la banque (512).

Chaque associé a son propre compte courant dans l’entreprise, dont le solde évolue individuellement au gré des apports, retraits et intérêts de chacun.

Contrairement à un versement de dividende, le remboursement d’un compte courant n’est pas conditionné aux bénéfices, et ne nécessite pas d’assemblée générale ou de PV spécifique. Un simple virement suffit.

Le compte courant est donc un moyen très souple de doter temporairement l’entreprise en trésorerie.

Quand et pourquoi utiliser le compte courant d’associé

Le compte courant d’associé est un levier particulièrement utile :

  • En cas de besoin ponctuel de trésorerie : pour faire face à un décalage de paiements ou financer un projet sans attendre l’obtention d’un crédit.
  • En alternative à une augmentation de capital : rapide, souple, sans dilution ni formalité juridique lourde.
  • En complément d’un crédit bancaire : le compte courant peut renforcer les ressources propres, ou financer l’entreprise pendant la recherche un financement externe (financement “bridge”).
  • Dans une logique patrimoniale : l’associé peut décider d’utiliser son prêt à l’entreprise comme produit de placement rémunéré par intérêts, fiscalement déductibles pour la société dans certaines limites.

Un compte courant ne nécessite pas l’ouverture d’un compte bancaire spécifique.

Les règles à respecter pour bien utiliser le compte courant d’associé

Le recours au compte courant d’associé est encadré. Voici les grandes règles opérationnelles à connaître.

Qui peut réaliser des avances à l’entreprise ?

Uniquement les associés et certains dirigeants non associés. Les tiers (salariés, conjoints, etc.) ne peuvent pas verser en compte courant.

Quel formalisme ?

Une convention écrite est fortement recommandée. Elle précisera notamment le taux d’intérêt, les modalités de remboursement et les conditions de retrait. À défaut, la créance est remboursable à tout moment.

Quelle rémunération pour le compte courant d’associé ?

Si l'associé est une personne physique, il n'est pas obligé de percevoir des intérêts et peut librement y renoncer. En revanche, lorsque l'associé est une société, l'avance en compte courant est obligatoirement rémunérée. Le taux est libre mais les intérêts ne sont déductibles fiscalement que dans la limite d’un taux de référence réévalué périodiquement (il s’élève à environ 5 % en 2025).

Au-delà, l’excédent est non déductible. Autre point d’attention : aucun intérêt n’est déductible si le capital n’a pas été entièrement libéré.

Dans tous les cas, côté associé, les intérêts perçus constituent un revenu financier imposable.

Faut-il l’approuver en AG ?

Dans une SARL ou une SAS, les avances en compte courant par des associés dirigeants doivent être soumises à l’approbation des associés en AG. Ce formalisme vise à protéger les minoritaires.

Faut-il le déclarer au fisc ?

Oui, la société doit déclarer chaque année à l’administration la présence de comptes courants rémunérés. Si les associés sont des personnes physiques, l’entreprise doit se charger de verser un prélèvement à la source au fisc (formulaire 2777-SD à télétransmettre).

Compte courant d’associés : les interdits et les pièges

L’interdiction du solde débiteur

Le compte courant ne peut pas devenir négatif pour les associés personnes physiques. Autrement dit, l’associé peut financer son entreprise, mais l’entreprise ne peut financer l’associé. Si le compte courant devient négatif, l’associé s’expose à des sanctions fiscales, sociales, voire pénales (abus de biens sociaux).

Cette règle connaît toutefois quelques exceptions, notamment dans les sociétés civiles (de type SCI ou SNC) si les statuts ou conventions le prévoient, ou si l’associé est une personne morale (on entre alors dans le cadre d’une convention de trésorerie intra-groupe).

Le remboursement qui met en péril l’entreprise

En théorie, l’associé peut exiger le remboursement à tout moment… sauf si cela met l’entreprise en difficulté. Une sortie brutale de trésorerie peut précipiter une cessation de paiements. D’où l’importance de conventions bien rédigées, notamment pour protéger les autres associés mais aussi les tiers (clients, fournisseurs…)

Le taux d’intérêt excessif

Nous avons déjà évoqué la non-déductibilité au-delà d’un taux légal. Outre cet aspect, un taux excessif peut aussi constituer un pillage de la trésorerie par un associé et un abus de bien social en cas de déséquilibre manifeste. La convention est indispensable !

La sous-capitalisation de la société et la dépendance aux comptes courants

Une société trop dépendante des comptes courants au détriment des capitaux propres voit sa crédibilité fragilisée. Si l’entreprise a besoin de capitaux à long terme, l’idéal est de transformer les comptes courants en capital afin de lui fournir des ressources durables.

L’utilisation des intérêts comme alternative à une rémunération

Il peut être tentant pour l’associé de considérer que le versement d’intérêts constitue une rémunération possiblement plus souple et moins taxée sur les salaires ou les dividendes. Cependant, attention à l’abus de bien social et aux limites de ce type de revenu (notamment : absence de droits pour la retraite).

En revanche, il existe bien un moyen d’optimiser sa rémunération avec un compte-courant d’associé.

En effet, pour les gérants majoritaires de SARL, les dividendes sont soumis aux cotisations sociales dès lors qu’ils dépassent 10% des capitaux propres. Or, l’encours moyen du compte courant est ajouté aux capitaux propres pour ce calcul. Apporter en compte courant permet donc d’augmenter la quote-part des dividendes non soumise à charges sociales.

Pour conclure…

Souple mais à manier avec rigueur : le compte courant d’associé est un outil précieux dans la mallette du dirigeant. Il vous permet de financer votre entreprise sans rapidement et de gérer les flux de trésorerie à votre rythme tout en optimisant votre rémunération.

C’est une corde de plus à votre arc, en complément aux autres modes de financement (location longue durée, crédit professionnel, crédit bail…).