Prime inflation, un casse-tête pour les employeurs

Attention, cet article n’est plus à jour.

Pour en savoir plus sur la protection du pouvoir d’achat, consultez notre article Les mesures paie de la loi dite « pouvoir d'achat » et de la loi de finances rectificative pour 2022.

 

Attendu par les salariés et annoncé par le Premier ministre le 21 octobre dernier, le versement d’une « prime » ou « indemnité inflation » aux salariés a été arrêté dans le cadre de l’article 13 de la 2ème loi de finances rectificative pour 2021.

Cette loi, adoptée non sans mal le 24 novembre 2021, a été publiée au Journal officiel du 2 décembre 2021 et un décret d’application a été publié en date du 12 décembre 2021.

À la date de rédaction de cet article, s’il est acquis que les employeurs devront assurer le versement de la prime sur les bulletins de paie de décembre 2021, le texte suscite de nombreuses interrogations et nécessite des précisions en raison de la pluralité des situations que présente l’activité salariée en France.

Dans cet esprit, il est clair que le dispositif, du fait de la proximité des dates de l’annonce et celle du versement de la prime, a été mis en œuvre précipitamment. 

Ainsi, et afin de permettre aux éditeurs de logiciel de paie d’assurer les développements nécessaires pour le versement de la prime sur la période d’emploi de décembre 2021, c’est le GIP-MDS, en charge de la maîtrise de la Déclaration Sociale Nominative (DSN), qui pour l’heure, fournit les grandes lignes des conditions de versement de la « prime » inflation.

En effet, à la seule lecture de l’article 13 de la loi précitée, seul le principe selon lequel « une aide exceptionnelle de 100 euros est versée à toute personne âgée d’au moins seize ans » est acté. Le texte de loi ne précise aucune condition visant une période d’emploi à justifier pour les salariés, ni les conditions relatives, par exemple, à la rémunération au-delà de laquelle la prime ne sera pas due…

C’est dans ce cadre que le GIP-MDS délivre des consignes qui devront être confirmées par le décret attendu au mois de décembre. C’est dans ce cadre également que le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (B.O.S.S) publie un questions/réponses sur son site.

Par conséquent, en l’absence dudit décret et en raison de la multitude de cas particuliers que présente l’activité salariée, il n’est pas à écarter que des précisions ou aménagements soient apportés tout au long du mois de décembre, voire janvier 2022.

1) Quels sont les salariés concernés par la prime inflation ?

Concernant les bénéficiaires, les employeurs du secteur privé seront tenus de verser la prime, notamment :

    • aux salariés qu’ils soient en CDD ou en CDI, à temps plein ou à temps partiel sous certaines réserves,

    • aux apprentis et autres alternants ayant au moins 16 ans avant le 1er novembre 2021, 

    • aux mandataires sociaux titulaires d’un contrat de travail ou non (à condition, dans ce cas, d’avoir une rémunération d’activité).

Pour les salariés des entreprises de travail temporaire (ETT), l’obligation pèsera sur l’ETT, de même pour les groupements d’employeurs et les entreprises de portage salarial. 

Il y a également une condition territoriale. Sont éligibles au versement de cette prime, les salariés d’au moins seize ans résidant sur le territoire métropolitain, ainsi que dans les départements d’outre-mer (y compris à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin), à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les travailleurs frontaliers ne sont pas concernés. Un dispositif spécifique sera mis en œuvre par l’administration fiscale. D’une manière générale, la prime ne sera pas versée aux catégories de salariés exclus du dispositif du Prélèvement à la Source (PAS) et pour ceux qui ne sont pas redevables de la CSG comme résidents fiscaux.

La question des stagiaires est également posée. Dans le cadre des discussions parlementaires, il ressort que les stagiaires ne sont pas concernés par le versement de la « prime » inflation. C’est d’ailleurs le sens des précisions du GIP-MDS. Pour autant, dans le cadre du Q/R du B.O.S.S., il est au contraire précisé que la prime est due « aux stagiaires percevant une rémunération supérieure à la gratification minimale ».

2) Quelles sont les conditions pour ouvrir droit au versement de la prime ?

Concernant la condition d’activité, les salariés doivent avoir été employés au moins un jour sur le mois d’octobre 2021.

Ce critère suscite une difficulté dans la mesure où les employeurs seront en charge de verser des primes à des salariés qui ne sont donc plus obligatoirement inscrits à l’effectif salarié de leur entreprise (suite à une démission après le 31 octobre par exemple).

Des aménagements sont, selon les directives du GIP-MDS, à appliquer.

Ainsi, la prime ne sera versée aux salariés engagés pour une durée inférieure à 1 mois, par l’intermédiaire d’un ou plusieurs contrats de travail, et qui ne justifieraient pas avoir travaillé plus de 20 heures sur le mois d’octobre 2021 que s'il en font la demande expresse à leur employeur.

Lorsque le contrat de travail est exprimé en jours et non pas en heures, une durée minimale de contrat de trois jours en octobre sera nécessaire pour ouvrir droit au versement automatique par l’employeur. 

3) Quels sont les salariés exclus du versement ?

En principe, chaque personnel bénéficiaire ne peut percevoir qu’une seule prime.

Cela paraît simple, mais ce principe suscite des difficultés pour les employeurs qui occupent des salariés à temps partiel.

Ces derniers peuvent en effet et sans que leur employeur en soit informé, cumuler différents emplois au mois d’octobre 2021. C’est le cas plus généralement de tous les salariés « multi-employeurs » ou des salariés occupant différentes formes d’emplois (salarié et indépendant par exemple).

Pour ces cas, le salarié concerné devra informer son employeur, avant le versement de l’indemnité du fait qu’il bénéficiera par ailleurs d’une prime. Il est préconisé, face à la multitude de situations, de se rapprocher des salariés en cas de doutes sur un éventuel risque de double versement.

Face à cette complexité de situation, il serait toutefois acquis que les employeurs ne seraient pas tenus pour responsables d’un double versement.

Les vérifications ultérieures et les demandes de remboursements ne seront pas réalisées auprès de l’employeur. 

4) Quel est le plafond de rémunération permettant le versement de la prime inflation ?

Bien que la loi de finances rectificative ne précise rien sur cette question, seraient éligibles les salariés dont la rémunération due depuis le début de l’année 2021 (correspondant aux périodes d’emploi du 1er janvier 2021 au 31 octobre 2021) ou depuis le début de l’embauche, si elle est postérieure, est inférieure à un plafond qui doit correspondre à 2 600 euros bruts en moyenne par mois.

Pour faire simple, il faudra justifier ne pas percevoir une rémunération supérieure à 26 000 euros brutes sur la période. Ce plafond s’applique sur l’ensemble des territoires concernés, même à Mayotte.

Sous réserve de confirmation, cette période de référence est la même pour les entreprises en décalage de paye. 

Concernant les éléments à prendre en compte dans la rémunération, elle tient compte de la rémunération brute soumise à cotisations sociales.

Cette rémunération exclurait ainsi :

    • les indemnités d’activité partielle (sauf les indemnités complémentaires),

    • les éléments de rémunération exonérés de cotisations et contributions (primes exceptionnelles de pouvoir d’achat par exemple).

Concernant les professions pour lesquelles il est admis de pratiquer une déduction forfaitaire pour frais professionnels, comme pour les ouvriers du bâtiment, les VRP ou les journalistes, le GIP-MDS a indiqué qu’il convenait de tenir compte de la rémunération brute avant application de cette déduction.

5) Comment est adapté le plafond ?

Concernant la prise en compte de la durée de présence du salarié sur la période du 1er janvier au 31 octobre 2021 pour l’appréciation du plafond de 26 000 euros, il est tenu compte de la présence réelle du salarié auprès d’un même employeur, tous contrats confondus. 

Ici, des règles doivent être précisées, car il serait fait application d’un prorata en jours calendaires sur la base de l’opération : « nombre de jours de la relation contractuelle » / « nombre de jours de la période de référence ». 

Pour faire simple, il conviendrait de retenir le nombre de jours calendaires de la période d’emploi du salarié depuis sa date d’embauche jusqu’à la date de fin de son contrat de travail et divisé ce nombre par 304 afin de vérifier si la rémunération est bien inférieure à 2 600 euros bruts.

Par exemple, un salarié ayant travaillé 50 jours au cours de la période du 1er janvier au 31 octobre 2021 devra avoir perçu une rémunération inférieure à 4 276,31 euros bruts sur sa période d’emploi (26 000 × 50 / 304).

Le traitement de cette opération pour les salariés ayant un contrat de travail d’intermittent devra être précisé. Faudra-t-il tenir compte de la période d’emploi globale plutôt que du nombre de jours travaillés ?

Concernant les salariés à temps partiel, aucun prorata n’est prévu dans les textes.

Quel que soit le nombre d’heures du contrat de travail, la rémunération fixant l’éligibilité au versement de la prime reste fixé à 26 000 euros bruts.

6) Quel est le montant de la « prime » inflation

L’ensemble des salariés éligibles bénéficieront d’une indemnité « forfaitaire » de 100 euros. 

Il n’est pas tenu compte de la présence ou de l’absence effective au cours de la période de référence pour calculer l’indemnité, ni de la durée de présence ou de la durée du travail du salarié.

7) Quand verser la « prime » inflation ?

Malgré l’absence de précision des textes et des précisions attendues, la « prime » doit être versée avec la paie de décembre 2021.

Une ligne dédiée sur le bulletin de paie devra faire apparaître un libellé « Indemnité Inflation de l’État ». Selon le GIP-MDS, ce libellé peut faire l’objet d’une abréviation en « Indemnité Inflation ». 

L’indemnité n’est pas saisissable et elle n’est ni soumise à impôts, ni au PAS, ni aux cotisations sociales.

Comme il a été indiqué plus haut, les employeurs qui auraient versé une prime inflation alors que le salarié en aurait déjà profité par ailleurs, ne seront pas responsables du remboursement de l’indu. 

Selon les débats parlementaires, l’exploitation des données DSN qui mettra en évidence des versements multiples conduira l’administration fiscale (DGFiP) à récupérer les indus auprès des bénéficiaires.

8) Quelles sont les modalités de remboursement des employeurs envisagés ?

L’indemnité est déclarée par les employeurs au sein de la DSN.

Le versement de cette prime viendra en déduction des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs au titre de la même période d’emploi.

Selon le Q/R du B.O.S.S., « En cas de montant supérieur à celui des cotisations dues, l’excédent sera soit imputé sur des échéances ultérieures soit remboursé directement ».

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